a long time ago... - with alison

Owen était à Toronto depuis trois semaines. Jamais il n’aurait imaginé quitter la ville de New-York. Ses sœurs étaient là-bas, ses parents aussi, et c’est là qu’il avait connu les plus grandes étapes de sa vie, à commencer par la naissance d’Alia, sa fille dont il avait la garde exclusive depuis l’entrée de sa mère en prison. Sa mère, Alison, était une amie de longue date, et pendant longtemps il l’avait considérée comme sa meilleure amie. Mais quand il avait vu la police débarquer chez lui, avec les services sociaux et une assistante sociale qui tenait sa fille d’à peine quelques jours dans ses bras, son sang n’avait fait qu’un tour, et il avait compris que quelque chose de grave s’était produit. Alison, il n’avait plus de nouvelles d’elle depuis plusieurs jours, il s’était inquiété mais en même temps, ils ne vivaient pas ensemble, Owen était en pleine procédure de divorce à l’époque, et il fallait avouer que les choses s’étaient bousculées.
Alors, quand il avait entendu les explications, qu’on lui avait dit qu’il devrait se rendre au tribunal pour reconnaitre officiellement la petite fille comme étant la sienne, et pour réclamer la garde exclusive, les événements s’étaient bousculés pour lui. Et en même temps, il avait appris tout des agissements de la maman de la petite, ce qui avait littéralement mis un terme à l’affection qu’il avait pour elle.

Alison n’était au courant de rien d’après le juge, et l’avocat qu’Owen avait été obligé de prendre pour régler les détails concernant la garde d’Alia. Ce prénom, ils l’avaient choisi ensemble, ils avaient fait en sorte qu’il corresponde à leurs gouts à tous les deux.
Aujourd’hui, il était paumé, il regardait sa fille grandir mais quand il avait appris qu’il était atteint d’une tumeur au cerveau, et que cette tumeur pourrait le tuer, il avait su qu’il devait retrouver sa trace, qu’elle devait savoir que sa fille était avec son père biologique, que tout allait bien pour elle et qu’elle allait sans doute avoir besoin de sa maman. Il avait fait attention à ce que la petite fille ait toujours un lien avec sa mère biologique, notamment grâce à des photos.
Il avait toujours tenu à créer une sorte de lien, sans savoir si Alison voudrait revoir sa fille un jour. Après tout, elle lui avait donné la vie en prison et la petite lui avait été enlevée tout de suite. Mais il ne pouvait plus faire autrement maintenant, et il refusait de la confier à l’une de ses sœurs, pas sans avoir essayé avec Ali.

Après quelques échanges de textos, ils s’étaient donné rendez-vous dans un café de Downtown, Owen avait mis son gps pour s’y rendre et l’avait trouvé sans trop de difficultés. Il avait garé sa voiture juste devant l’établissement et était entré, non sans une boule dans le ventre quand même. Il craignait la réaction d’Alison. Mais ce qu’il faisait, il le faisait pour leur fille. Il entra dans le café et l’aperçut tout de suite, dans un coin, légèrement à l’écart. Il s’approcha d’elle et se contenta de dire :

Bonjour… Ca fait longtemps.

D’une banalité et pourtant, c’était vrai, ça faisait longtemps, presque trois ans sans nouvelles. Trois ans de silence.

La nuit précédente, Alison avait fait tout un tas de cauchemars. Elle n’en connaissait pas vraiment l’origine mais ils étaient de plus en plus fréquents ces derniers temps. Elle avait du mal à les gérer et était vraiment fatiguée la journée. La psychologue qu’elle était obligée de voir suite à sa sortie de prison la rassurait en lui disant simplement qu’ils passeraient un jour ou l’autre, que la période n’était pas facile. Cela faisait maintenant un peu plus d’un an qu’elle était sortie de prison, et pourtant, elle n’arrivait toujours pas à retrouver une vie normale. Elle avait un logement, un travail plus ou moins stable, mais le reste était bien trop compliqué. Une famille qui ne l’acceptait pas vraiment, très peu d’amis. Mais surtout, Alison culpabilisait encore énormément d’avoir abandonné sa fille bientôt trois ans auparavant. Elle ne savait pas ce qu’elle devenait, mais cela la hantait ces derniers temps. Le premier noël hors de la prison n’en était pas pour rien, et elle s’était sentie terriblement seule. Alison profitait du silence de la colocation pour prendre un bain chaud et bien moussant afin de se remettre de sa nuit quand elle avait reçu le sms. Un message auquel elle ne s’attendait pas du tout. Owen. Son meilleur ami, son vieil ami de New York. Le père de sa fille, celui qu’elle avait dû abandonné en partant en prison. Alison apprend au fil des messages qu’il a la garde de la petite fille, et aussitôt, Alison sort de l’eau. Elle ne se sent pas vraiment bien, pas du tout bien du tout même. Elle est à la fois rassurée et terrifiée. Encore plus quand il lui annonce qu’il ne va pas bien et qu’il veut la voir. Alison se dépêche de s’habiller, ils ont rendez-vous dans un café dans 30 minutes et le temps passe à une vitesse folle. La brune ne sait pas ce qu’il se passe, et elle n’a pas vraiment le temps de se faire à l’idée qu’elle est déjà dehors en direction du café. C’est comme si son passé revenait subitement vers elle. Comme si tout allait s’arranger. Mais elle savait très bien que ça allait être différent, et surtout, pas si simple. Après tout, elle avait abandonné sa fille sur accord avec les forces de l’ordre et elle ne savait pas si elle avait le droit de la revoir sans risquer sa liberté. Alison arrive en première au café et s’installe dans un coin à l’écart pour essayer de se détendre. Elle est terriblement stressée, elle a les mains moites, elle n’a pas vraiment eu le temps de se maquiller convenablement et a la mine fatiguée. Elle est loin de la femme qu’il a connu. Owen ne tarde pas à arriver et à lui dire bonjour. Longtemps. Presque déjà trois ans qu’ils ne se sont pas vus. Alison tente un léger sourire avant de se lever. « Owen. Je… je suis contente de te voir. » C’est sincère. Pendant tout ce temps en prison, Owen est sans doute l’homme qui lui a le plus manqué. Il avait été là à la mort de Jane, pendant la grossesse. Et maintenant qu’Alison savait qu’il élevait leur fille, elle était fière de lui. « Assied-toi, met-toi à l’aise. Comment… qu’est-ce qu’il se passe? » Alison n’a pas vraiment envie de tourner autour du pot. Elle est vraiment terrifiée de ce qu’il a sous-entendu en sms.

@owen reagan

La voir lui faisait bizarre, et en même temps ça lui semblait tellement naturel, comme si après ces trois années, après la prison, après la naissance d’Alia, et la garde qui lui avait été confiée, il retrouvait enfin son amie, ce pilier qu’elle avait été dans la partie la plus sombre de sa vie. Quand il avait tout avoué à sa femme, Alison était restée auprès de lui, elle lui avait même proposé de venir vivre chez elle, mais il n’en avait pas eu le temps, parce que du jour au lendemain, il n’avait plus eu de nouvelles, elle avait disparu de la circulation.
Si pendant longtemps il lui en avait voulu, l’heure n’était plus aux reproches aujourd’hui. Quand il la vit dans un coin de ce café du centre-ville, Owen s’approcha, la salua, et quand elle prit l’initiative de se lever, il ne put s’empêcher de la serrer contre lui. Il n’avait encore parlé de sa maladie à personne, pas même à sa famille, surtout pas à eux. Ils auraient tout fait pour qu’il ne quitte pas New-York. Or, il avait besoin d’être ici, besoin de redevenir proche de la mère de sa fille, s’il devait lui arriver quelque chose un jour. Il prit une grande inspiration avant de relâcher son étreinte, puis s’installa face à elle.

Moi aussi. Comme tu n’en as pas idée.

Il soupira avant de s’installer plus confortablement. Il sourit légèrement, mais les sourires avaient du mal à franchir la barrière de ses lèvres depuis le diagnostic. Allez savoir pourquoi, la seule personne dans sa vie qui parvenait à lui tirer des sourires était sa fille. Et maintenant Alison, parce qu’il avait eu besoin d’elle comme jamais.
Alison n’avait visiblement pas envie de tourner autour du pot, alors autant ne pas tourner autour. Il savait qu’il allait avoir besoin de boire quelque chose, vite, mais il se devait de lui dire la vérité d’abord.

Normalement je ne devrais pas être là. Apparemment, tu as signé une sorte de contrat il y a trois ans pour ne jamais revoir Alia. Mais la situation a changé. Le juge m’a proposé sa garde à l’époque, je l’ai acceptée, mais aujourd’hui les choses sont différentes.

Bon d’accord, il tournait un peu trop autour du pot mais il ne parvenait pas à se résoudre à prononcer les mots, ceux qui faisaient mal. IL n’y arrivait tout simplement pas. Parce que ça rendait les choses trop réelles. Il était médecin, il annonçait ce genre de nouvelles tous les jours, mais quand vous êtes directement concerné, ça n’a rien à voir. Il prit une profonde inspiration avant de finir par le dire :

Je suis malade, et je pourrais ne pas m’en sortir. Et je ne veux pas que notre fille soit élevée par n’importe qui.

Il s’en sortirait, peut-être, sûrement, si l’opération était acceptée et réussie, mais elle pouvait aussi être ratée ou plantée, et il pouvait crever. Il devait mettre toutes les chances du côté d’Alia, c’était tout ce qui comptait. Il passa une main dans sa nuque, puis sur son visage, avant de demander :

Ca t’ennuie si je commande un truc ? Je l’avais… encore jamais dit à voix haute.

Et ça venait de le frapper de plein fouet, en pleine face, violemment.

Alison ne s’attendait pas vraiment à avoir des nouvelles d’Owen un jour. Et encore moins de savoir qu’il avait la garde de leur fille. À vrai dire, elle n’était pas certaine d’avoir envie de rencontrer sa fille pour le moment. Elle se sentait terriblement coupable de l’avoir abandonné pour passer moins de temps en prison. Mais à l’inverse, que lui serait-il arrivé? Elle avait jugé bon qu’elle grandisse dans une bonne famille plutôt qu’en foyer d’accueil. Alison ne se considérait pas vraiment comme une mère à cause de cet acte, et pour dire, personne n’était au courant de ce trait de son passé à Toronto. À part ses soeurs, personne ne savait qu’elle avait fait de la prison, encore moins qu’elle avait été enceinte et qu’elle avait abandonné son enfant. Pour autant, elle est sincèrement heureuse de voir Owen. Si il apparaît à ses yeux comme un passé qui ressurgit sans qu’on ai rien demandé, elle était contente de le voir et ne manque pas de lui dire. Le quarantenaire la prend dans ses bras, et Ali reste ainsi pendant quelques secondes. Elle l’invite à s’installer, et lui demande ce qu’il se passe. Il a sous-entendu qu’il y avait un problème plus ou moins grave et Alison n’a pas envie d’attendre avant de savoir ce qu’il se passe. Elle l’écoute attentivement. Le fameux contrat, il est visiblement au courant. Alison baisse un peu les yeux, honteuse avant d’écouter la suite. Comment ça les choses sont différentes? Il ne souhaite plus s’en occuper? Elle continue de l’écouter jusqu’à ce qu’il annonce sa maladie. À cet instant, Alison relève brutalement la tête. Malade? Gravement malade? Elle commence à paniquer quand il évoque leur fille. Il veut qu’elle s’en occupe? Alison déglutit à cette idée, elle est totalement terrifiée. « Owen je… » Elle n’a même pas les mots pour exprimer à quel point elle est inquiète. Elle ne s’attendait pas vraiment à une nouvelle pareille. Owen demande si il peut commander quelque chose en justifiant qu’il n’avait jamais annoncé sa maladie à voix haute. « Oui, bien sûr, commande ce que tu veux. » Alison lève la main vers le serveur afin qu’il vienne prendre sa commande. Une fois que c’est fait, Alison attend qu’il s’éloigne avant de réfléchir à ce qu’il vient de lui dire. Elle a l’impression d’être à la fois dans un rêve et dans un cauchemar. Elle ne peut pas revoir sa fille, tout d’abord parce qu’elle n’est pas sûre d’être prête mais surtout car elle a passé un contrat comme il le sait. Abandonner sa fille et écoper de moins de temps de prison. Et elle est encore en sursis, si il y avait un pas de travers, Alison y retournerait pour beaucoup plus longtemps cette fois-ci. « Owen, depuis quand es-tu malade? Tes soeurs sont au courant? A…Alia l’est? Enfin elle est petite… » Elle n’avait pas encore trois ans, Alison le savait. Elle était tellement petite mais avait une situation déjà tellement compliqué qu’Alison s’en voulait encore plus. « Tu l’as dit, j’ai passé un… un accord pour ne plus la revoir, je n’ai pas le droit Owen. Et puis même si je pouvais, tu parles d’une vie pour une petite fille. Je sors de prison, je suis en colocation, on est 8, j’ai plus d’argent, je suis barmaid. Je pense… » qu’elle serait mieux avec quelqu’un d’autre. Alison n’a pas le temps de finir sa phrase que le serveur rapporte la commande, alors elle décide de se taire. Owen a peut-être compris ce qu’elle voulait dire de toute façon.

@owen reagan

Il redoutait sa réaction. Alison n’avait jamais connu leur fille, elle avait fait le choix de l’abandonner afin de réduire sa peine de prison, mais de toute façon quelle vie aurait pu avoir sa fille en prison ? Au fond, Owen lui était reconnaissant d’avoir fait ce choix, parce que ça voulait dire qu’elle tenait à cet enfant, qu’elle l’aimait suffisamment pour l’abandonner à des inconnus afin qu’elle ait une vie meilleure. Mais évidemment, elle ne pouvait pas savoir que les services sociaux feraient leur enquête et qu’ils avaient d’abord choisi de venir voir le père de l’enfant afin de savoir s’il pouvait en assumer la garde. Owen n’avait pas hésité une seule seconde, et chaque seconde de chaque jour, il n’avait pas le moindre regret d’avoir accepté cette garde.
Il voyait bien qu’après la nouvelle qu’il venait de lui annoncer, elle se sentait mal. Alison avait besoin de prendre un moment, et lui aussi à dire vrai. Il avait terriblement besoin de ça, parce qu’aussi étonnant que ça puisse paraitre, il n’avait parlé à personne de sa maladie, ni à sa famille, ni même à son boulot à New-York. Il avait demandé un congé, avait évoqué des problèmes personnels et avait quitté la ville dès qu’il avait appris où se trouvait Alison. La jeune femme interpella le serveur et Owen commanda un café. Il avait besoin d’une boisson chaude, n’étant pas habitué aux températures glaciales de Toronto.

Merci.

Posé, paisible, il l’était. Il savait que sa situation était grave, terriblement grave, et pourtant il tentait de rester aussi calme que possible, parce qu’il devait continuer d’affronter le quotidien pour sa fille, il devait faire en sorte que si, un jour, il lui arrive quelque chose, quelqu’un soit là pour elle.
Owen attendit les questions de son amie, et elles ne tardèrent pas. Le jeune homme posa sa main dans sa nuque avant de lui répondre, méthodiquement.

Alia ne se rend compte de rien, comme tu dis elle est trop petite. Je n’en ai encore parlé à personne autour de moi, juste toi.

Il soupira un bref moment avant de reprendre.

Je suis au courant depuis quelques semaines, cinq semaines je crois. J’ai tout de suite cherché comment te contacter. J’ai d’abord appelé la prison, puis ton contrôleur judiciaire, et je me suis débrouillé pour te retrouver.

Alison commença à s’expliquer, lui parler du contrat, qu’elle ne pouvait plus voir Alia, et que de toute façon ça ne serait pas une vie pour une petite fille. Owen savait tout ça, mais il savait aussi qu’il ne mourrait pas tout de suite. Ce n’était pas dans ses plans, il n’avait pas l’intention de mourir du tout d’ailleurs, tout ce qu’il voulait, c’était se battre, mais il avait besoin d’un plan b, si jamais il venait à perdre la bataille. Alors que le serveur venait déposer leur commande sur la table, Owen se tu un instant, avant de reprendre la parole quand le serveur s’éloigna.

Je sais, mais l’accord peut être modifié, j’ai veillé à ça. Il faudra voir un avocat, mais ça peut se faire. Je ne veux pas te forcer la main, pas du tout. Je sais que ta vie est compliquée en ce moment. Dans un premier temps, j’aurais juste besoin qu’on la garde, juste quelques heures quand je dois passer des examens.

Il y aurait quelques procédures à régler, c’était certain, ils devraient probablement voir un juge, consulter des avocats, mais on lui avait confirmé que c’était faisable.
Encore faudrait-il qu’Alison l’accepte et le veuille, mais ça ce n’était pas gagné, il allait devoir la convaincre.

Alison était maintenant terrifiée d’apprendre cette nouvelle. Owen était malade, et cela était grave. Il pourrait ne pas s’en sortir, et la jeune femme devrait peut-être devoir enfin assumer son rôle de mère. Pour l’instant, la question était plutôt logistique. La jeune femme avait du mal à tout comprendre mais surtout, elle ne savait pas comment elle devait réagir. Owen lui avoue qu’elle est la première au courant, et Alison arque les sourcils, surprise de cette nouvelle. Il n’en a pas même parlé à ses soeurs? Dans ses souvenirs, il était plutôt proche d’elles à l’époque. Les questions continuent, Alison a besoin d’en savoir plus. Il est au courant depuis pas si longtemps. Il a même appelé la prison. Alison baisse légèrement la tête, encore honteuse d’y avoir fait un séjour de ce type. C’est de sa faute après tout, mais elle s’en veut de ne pas avoir mis Owen au courant de toute cette mascarade avant d’y être obligée. Personne n’était au courant de ses affaires illégales et pourtant, Owen aurait dû le savoir. Il était son meilleur ami, le père de sa fille. La jeune femme se contente de soupirer légèrement avant d’expliquer la situation. Elle ne pouvait pas s’occuper de la petite, la situation était bien trop compliquée. Owen essaie de lui expliquer que tout peut être modifié. Qu’il faudrait voir un avocat. Alison regarde un peu ailleurs le temps de réfléchir. Elle peut commencer par la garder quelques heures, c’est une possibilité. C’est d’ailleurs ce qu’il lui propose dans un premier temps. « Je… je ne sais pas. Je ne sais pas m’occuper d’enfant Owen, j’ai tout à apprendre, je ne suis pas sûre d’être à la hauteur. » Alison n’avait pas vraiment confiance en elle à ce niveau-là. Et puis comment réagirait la petite? Est-ce qu’Owen lui avait parlé d’elle? Alison n’en savait rien et de nouveau, une tonne de questions s’imposaient dans son esprit. Elle avait l’impression d’être totalement perdue dans la situation, à ne pas savoir quoi faire. Elle rêvait de revoir sa fille et de s’en occuper comme elle aurait toujours dû le faire, mais elle n’était pas certaine d’en être capable. Alison n’avait jamais fait de babysitting, elle n’y connaissait rien en chérubin. Elle n’était même pas sûre d’avoir un instinct maternel, même si on lui faisait comprendre le contraire à la coloc. « Est-ce qu’Alia sait qui je suis? » Alison n’est pas sûre de vouloir connaître la réponse. Un oui ou un non la perturberait de toute façon. Si oui, elle paniquerait à l’idée de se faire appeler maman, et si non, elle serait déçue. C’était un foutu cercle vicieux cette histoire.

@Owen Reagan

Owen se l’avouait enfin : oui il était malade, oui il risquait de perdre certaines de ses capacités intellectuelles, et surtout il risquait de mourir. Et ça le terrifiait, ça le terrifiait de devoir confier sa fille, à n’importe qui si Alison refusait de se mêler de la vie de sa fille. Il comprenait Alison, ça ne devait pas être simple de revenir dans sa vie alors qu’elle ne l’avait jamais connue, qu’elle lui avait donné naissance en prison avant qu’elle lui soit arrachée à peine quelques heures plus tard.
Elle doutait de ses capacités, et ça il pouvait le comprendre, car quand les services sociaux étaient venus frapper à sa porte, Owen venait juste de se séparer de sa femme, il n’avait plus de nouvelles d’Alison, il était persuadé qu’elle avait quitté la ville, sans le prévenir, parce qu’après tout elle aurait eu le droit de le faire. Cet enfant, c’était un enfant hors-mariage, il allait devoir la reconnaitre, et il avait paniqué comme jamais quand il avait compris qu’on lui laissait la garde de la petite. Il avait paniqué parce qu’il ne savait pas comment s’y prendre, comment faire pour élever un enfant quand on est tout seul. Devait-il lui parler de sa mère ou surtout pas ? Devait-il changer de maison, de ville ? Que devait-il faire ? De quoi avait-il besoin exactement ?

Tu sais… Quand on est venu frapper chez moi il y a presque trois ans, j’ai paniqué. Je savais pas ce que je devais penser, je ne comprenais rien à ce qu’ils me racontaient sur toi, et puis je me suis retrouvé avec cette toute petite fille, et j’avais pas la moindre idée de comment je devais m’y prendre.

Il ne voulait surtout pas qu’elle se sente mal par rapport à ça, il ne lui en voulait plus, même si pendant longtemps il l’avait tenue pour responsable de la situation. Mais Alison avait commis des erreurs, comme tout le monde, comme lui. Les siennes avaient eu des conséquences désastreuses, mais elles auraient très bien pu ne pas en avoir.
Il lui sourit légèrement avant de reprendre la parole, histoire de l’apaiser, même s’il comprendrait qu’au final, cette idée ne l’emballe pas.

Je suis certain que tu t’en tirerais très bien. On en avait parlé, au début de ta grossesse.

Owen tenta de lui lancer un sourire réconfortant. Il avait du mal à sourire pour le moment, il avait du mal car il s’inquiétait pour lui, pour sa santé, mais les seuls moments où il parvenait à sourire, c’était quand il était avec sa fille. Et maintenant, il se surprenait à le faire avec Alison. Quand elle lui demanda si Alia savait qui elle était, Owen prit un moment pour réfléchir à sa réponse, avant de se décider d’être honnête avec elle.

Il y avait des photos de toi à la maison, je les montrais à Alia, mais elle ne comprend pas encore qui tu es. Elle n’a pas d’étiquette pour toi, tu es juste Alison. Je ne savais pas quand elle te reverrait, ni même si elle te reverrait.

Il fallait bien reconnaitre que les autorités et les services sociaux avaient été relativement vagues, alors il s’était contenté de rester vague, lui aussi.