stay ft. tom (intrigue)

isaac ∞ tom

Tom avait passé bien assez de temps à se morfondre dans son lit. Il était temps de reprendre un rythme de vie normal et d’oublier ses retrouvailles avec Isaac. Quelle mauvaise idée il avait eue… A quoi s’attendait-il, en débarquant comme une fleur, lui demandant des nouvelles, comme s’il ne s’était rien passé ? Isaac s’était montré dur et implacable avec lui. Comme s’il ne ressentait que de la haine. Et il aurait raison de la ressentir, Tom s’était montré tellement méchant lors de leur rupture ! Malgré ça, il avait cru voir encore un peu d’amour dans ses yeux. De l’amour réprimé avec force mais de l’amour quand même. Ca l’attristait mais ça lui donnait à la fois un peu d’espoir. Durant ces derniers jours Tom avait tout remis en question. Ses choix, son célibat… Il avait rompu pour le bien d’Isaac mais maintenant qu’il se rendait compte que ce dernier était au fond du trou, il se demandait si ça valait vraiment la peine. Ca faisait quand même plus d’un an… Fallait-il encore espérer qu’il guérisse de la rupture ? Ou bien lui expliquer, et lui laisser prendre une décision à sa place ? Après tout ça le concernait aussi. Cette histoire n’arrêtait pas de tourner en boucle dans sa tête mais oui, il envisageait très sérieusement cette dernière option. Parce qu’Isaac lui manquait, qu’il méritait de savoir et de prendre une décision mais aussi parce que plus le temps passait et plus Tom ressentait le besoin de parler de sa maladie. Porter ça tout seul c’était vraiment difficile, il s’en rendait compte petit à petit. Il ne se laissait pas abattre car Tom était un battant, mais pour combien de temps encore ?

Il devait sortir. Vivre. Se mêler aux autres. Alors Tom avait choisi de se rendre à la soirée de rentrée où il croiserait probablement sa sœur et quelques amis. De la bonne musique, de la bonne compagnie, tout ça devrait l’aider à se remettre rapidement sur les rails. Alors il avait enfilé sa plus belle chemise, un slim rouge et s’était rendu là-bas.
La soirée était effectivement belle ! Il avait dansé, un peu bu, il se sentait relativement bien. Jusqu’à ce qu’il ne se sente pas très bien, sa respiration commençant à devenir compliquée voire presque impossible. Il s’excusa auprès de ses amis, demanda où est-ce qu’il pouvait trouver de l’eau, on lui montra une pièce juste à côté. Il s’y rendit sans tarder – d’une démarche un peu hésitante, c’était peut-être le symptôme qui se voyait le mieux pour le moment – et tenta là-bas de reprendre sa respiration. Calme-toi. Il ne savait pas d’où ça venait… Isaac n’était pourtant plus dans sa tête. Peut-être le fait d’avoir dansé. Il se mouilla le visage, se calma petit à petit.

Puis du noir. Tom se redressa sans comprendre et resta fixe un long moment, plissant les yeux. Son sens de l’orientation était devenu presque inexistant, se repérer dans le noir était alors devenu un défi. Il entendit la porte s’ouvrir, sentit un homme le bousculer. Il n’en fallut pas plus pour le faire tomber par terre, autant à cause de la violence du choc que de son état physique… Mais aussi à cause de la voix de ce gars. C’était Isaac. Il pouvait le reconnaître les yeux fermés. Angoisse. Du mal à respirer à nouveau. Calme-toi, c’est ta chance. « Isaac… C’est Tom… » Il n’allait pas mentir ni rester silencieux. Il se frotta la nuque, préférant rester par terre pour le moment. C’était plus sûr, on avait bien vu ce que ça donnait la dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés ensemble. « Il se passe quoi là-bas ? » Il priait intérieurement pour qu’Isaac ne le laisse pas tout seul ici. Mais aussi pour qu’ils puissent parler un peu. Parfois il oubliait sa maladie. Puis d’autres fois, comme ce soir, elle semblait omniprésente…

isaac ∞ tom

Tom était à la fois rassuré et à la fois terrorisé par la présence d’Isaac. Ils ne s’étaient plus revus depuis des mois, et comme si le destin voulait se moquer d’eux, voilà qu’ils se retrouvaient dans la même pièce deux fois de suite en très peu de temps. Certes, la première rencontre avait été provoquée par Tom. Mais ce soir – même s’il l’espérait – il ne pensait pas du tout qu’Isaac viendrait. Ca n’avait plus vraiment l’air d’être son genre de sortir, il n’allait pas assez bien pour ça. Mais le voilà, tel un héros sorti de nulle part. C’était angoissant, parce que Thomas avait l’impression qu’il s’agissait là de sa dernière chance pour s’expliquer avec lui. Le destin les avait réunis deux fois, mais peut-être qu’il ne le ferait pas une troisième. C’était le moment. Et puis, dans le noir, sans voir ses yeux tristes et haineux, ce serait beaucoup plus simple. Le noir, ça rapprochait les gens… Non ?
Thomas ayant quitté la grande salle depuis plusieurs minutes, demanda à son ex ce qu’il venait de se passer. Il ne savait pas trop s’il allait l’envoyer balader ou même s’il allait rester avec lui. Tom n’avait pas spécialement peur du noir mais il n’avait pas envie de se retrouver tout seul ici dans pareille situation. Ni aucune envie de se mêler dans la foule en panique à côté, déjà qu’il avait quelques difficultés à respirer. « Une tempête ? » C’est vrai qu’en se concentrant sur les bruits extérieurs, il pouvait entendre le vent dehors. Coincés ici. Ca lui faisait froid dans le dos. Notamment parce qu’il avait laissé ses médicaments chez lui en se promettant de ne pas rentrer trop tard. Et ensuite parce qu’Isaac était là aussi, et que c’était une cause de stress supplémentaire.

La question d’Isaac le surprit légèrement. Est-ce qu’il était jaloux ? Cette idée lui donnait envie de sourire… C’était bon signe, la jalousie. Ca voulait dire que Tom avait encore une chance de changer les choses – parce que c’était décidé, il allait tout lui dire. Enfin, presque. BON okay, il ne dirait rien, mais il allait essayer d’arranger les choses malgré tout. Ils pouvaient toujours se remettre ensemble, pour l’instant… Ca prendrait sûrement quelques années avant que Tom ne perde son autonomie, peut-être même qu’il n’arriverait jamais à ce stade. Alors à quoi bon rompre tout de suite ? Dommage qu’il lui ait fallu plus d’un an pour le comprendre. Et au pire des cas, il serait toujours tant de lui avouer pour sa maladie – quand il n’aurait plus le choix. Il ne restait plus qu’à espérer… Isaac ne voulait peut-être plus de lui du tout, ce serait compréhensible. « Je suis venu avec des amis. » Il resta silencieux un court moment, avant de prendre une grande inspiration. « Ecoute Isaac je… je crois que j’ai fait une erreur. J’me suis trompé. Je pensais que j’arriverais pas à te rendre heureux sur le long terme parce que j’suis pas foutu de m’assumer. Je savais que ça finirait par te poser problème. Mais… t’as pas l’air heureux. Et moi je croyais l’être. Avoir tourné la page. Mais je suis venu à ta séance de dédicaces et… tout m’est revenu en pleine face. » Les sentiments, l’affection, l’amour, tout. Il se mordit la lèvre, cherchant à le distinguer dans le noir.

isaac ∞ tom

Tom grimaça alors qu’Isaac mentionnait leur rupture. Forcément, ce n’était qu’une question de temps avant que ce sujet ne revienne sur le tapis. II fallait reconnaître que Thomas y était allé vraiment fort à ce moment-là. Il avait songé que pour supporter la rupture, Isaac devrait le détester. Et visiblement il avait plutôt bien réussi son coup… C’était aussi une manière de se protéger et de ne pas donner envie à Isaac d’insister. Ca aussi, ça avait marché. Peut-être un peu trop, parce qu’aujourd’hui c’était à lui de supplier Isaac et non l’inverse. « Oui, je me souviens. » se contenta-t-il de dire dans un premier temps. Il n’était pas impossible qu’il se confonde en excuses dans quelques minutes… Quitte à se mettre à genoux d’ailleurs. Il était peut-être temps d’avouer à Isaac que cette rupture n’avait été qu’une pièce de théâtre dignement exécutée par Tom, et que par conséquent, rien de ce qu’il avait dit n’était vrai. « J’en pensais pas un mot, Isaac. Je… j’avais besoin de prétextes… T’as jamais été trop vieux pour moi, ou j’sais même plus ce que je t’ai dit. » Ca lui faisait un bien fou de lui dire ça même s’il était probablement trop tard. Il aurait cependant aimé pouvoir le regarder dans les yeux pour qu’Isaac voit à quel point Tom était sincère. En fait, s’ils ne s’étaient pas retrouvés tous les deux ce soir, Tom aurait probablement campé devant chez l’écrivain en attente d’une conversation. Parce que depuis la dernière fois, il ne pensait plus qu’à lui et il avait enfin réalisé que c’était bien Isaac l’homme de sa vie. Enfin, il le savait déjà… Mais il avait surtout l’impression que lui-même était l’homme de la vie d’Isaac, alors qui était-il pour juger et empêcher cette relation ? Au fond, Isaac comprendrait certainement le comportement de Tom si ce dernier lui parlait de sa maladie. Mais il avait tellement horreur qu’on le prenne en pitié que ça lui semblait impossible, il allait falloir faire autrement. L’excuse du coming-out ne lui semblait pas si mauvaise, d’ailleurs, Isaac était bien le seul avec qu’il voudrait le faire. « Je me suis rendu compte que j’arrivais sur mes trente ans et que j’étais toujours pas foutu de m’assumer. J’ai cru que ça poserait problème et je… je crois que j’ai préféré te briser le cœur avant que tu brises le mien. » Il ne mentait pas. Si on remplaçait le coming-out par la maladie, il ne mentait pas. Et d’ailleurs, ç’avait aussi été un facteur de rupture. Le fait qu’il n’arrive pas à assumer son homosexualité ça l’avait réellement travaillé, alors qu’Isaac n’avait plus vraiment l’âge de se cacher – et lui non plus d’ailleurs.
Il aurait voulu prendre sa main mais avec l’obscurité, Tom avait plutôt peur de lui foutre un doigt dans l’œil. Inutile d’aggraver son cas… Prenant encore une grande inspiration, il lança : « J’crois que je suis prêt. Mais y’a personne avec qui je voudrais m’afficher… sauf toi. » Et pour le coup c’était entièrement sincère. Il serait plus que fier de se montrer au bras d’Isaac. Pas parce que ses livres marchaient bien, mais parce qu’il était beau, gentil, intelligent. C’était quelqu’un de formidable. Malheureusement rancunier… « Je te demande pas de tout me pardonner… J’te demande rien, d’ailleurs. Mais tu… tu me manques. Et si jamais tu voulais me laisser une deuxième chance, sache que… J’suis pas loin… » Voilà, c’était dit. Sans qu’il ne puisse contrôler quoique ce soit, son pied se mit à taper par terre. Stress, stress, stress… Il était pitoyable. C’était de sa faute, tout ça. Rien que de sa faute.

isaac ∞ tom

Tom savait parfaitement que ce ne serait pas simple avec Isaac. Que ce dernier ferait un peu de résistance, qu’il repousserait l’idée de lui donner une seconde chance. Mais pour le coup, il avait bien l’impression que c’était tout simplement mort. Un refus catégorique… Et ça lui brisait le cœur. Bon sang, c’était de sa faute tout ça. Il s’était privé de son plus grand allié, de son meilleur soutien, pour affronter la maladie et le reste tout seul. Tout ça parce qu’il n’avait pas voulu être égoïste – mais finalement, peut-être qu’il l’avait été. Il le sentait dans sa voix, dans ses mots, Isaac avait atrocement souffert et souffrait encore. S’il avait pu, probablement aurait-il fait comme dans son roman. Cette pensée le terrifiait. Tout comme cette voix qui semblait s’éloigner, ne laissant rien présager de bon. Me laisse pas tout seul. Isaac. Reste avec moi. Au moins quelques minutes… Il n’avait pas beaucoup d’angoisses, Tom. Mais l’idée de se retrouver tout seul l’effrayait soudainement. Que ce soit dans cette pièce, ou dans la vie. Peut-être parce que cette fois, il avait l’impression que c’était définitif. « T’en va pas… Isaac… M’laisse pas tout seul… » Impossible de se repérer dans le noir, il ne pouvait même pas le retenir par le bras. « Je sais que tu m’en veux. Et moi aussi, franchement, j’me déteste. Te quitter ça a été la plus grosse erreur de ma vie et je m’en rends compte. J’ai… j’ai envie que tu sois heureux. Mais je t’ai lu, j’sais lire entre tes mots, les déchiffrer, je sais que c’est pas le cas… Si t’avais vraiment voulu passer à autre chose tu l’aurais fait Isaac... Et si aujourd’hui tu t’étais remis avec un autre, j’aurais rien dit. J’aurais laissé faire, pour que tu sois heureux. Mais c’est pas le cas… » Il prit une grande inspiration. « Tu peux pas me reprocher d’avoir tenté ma chance… On fait tous des conneries. Le pire, c’est quand on essaie pas de les rattraper. » Et lui il avait essayé, mais visiblement il avait aussi échoué. « Si c’est ton souhait, on s’verra plus. Je ne viendrais plus à tes séances de dédicaces – même si tu pourras jamais m’empêcher d’acheter tes bouquins. Mais pars pas… Me laisse pas tout seul ici Isaac… On n’est pas obligés de parler si tu veux pas mais reste avec moi… » Cette tempête dehors ne le rassurait pas. Avec Isaac il s’était toujours senti en sécurité, même lorsqu’il avait appris pour sa maladie. Ca lui manquait, cette sensation de se sentir protégé.

isaac ∞ tom

Le combat était perdu d’avance. Isaac ne voulait plus de lui, c’était un non définitif et toutes les excuses du monde n’y changeraient rien. Tom ne voyait plus d’issue… Du moins, presque plus mais il n’avait clairement pas envie de se servir de sa maladie pour reconquérir l’homme de sa vie. Il ne voulait pas qu’Isaac ne le reprenne par pitié, c’était aussi pour ça qu’il ne lui avait pas dit à l’époque. Peur qu’Isaac ne se force à rester avec lui, à s’occuper de lui-même s’il venait à ne plus l’aimer – comme ça arrivait parfois. « J’attends rien. Je t’ai dit ce que j’avais à dire… Il fallait que je le fasse parce que je suis pas sûr d’avoir une nouvelle occasion un jour. T’as l’droit de t’en aller si tu veux, de me laisser tout seul ici, j’l’ai bien mérité… » Mais au fond de lui il espérait bien qu’Isaac resterait, au moins le temps que la situation se règle. Si c’était pour se retrouver au milieu d’une foule en panique, franchement, autant rester ici. « Mais si tu veux bien rester, au moins jusqu’à ce que la lumière ne revienne, j’te promets que plus jamais je viendrais t’embêter… J’pourrais même déménager ailleurs, si tu veux. » C’était de toute façon la seule solution qu’il envisageait pour ne plus penser à Isaac. Il avait su tourner la page une fois par on ne sait quel miracle mais le faire une deuxième fois lui pensait impossible. Surtout quand il savait qu’après autant de temps, Isaac n’avait pas su passer à autre chose, lui. Alors ne pas tenter d’améliorer les choses ce serait un peu comme non-assistance à personne en danger, non ? Puis finalement… « Je t’aime toujours, Isaac… » murmura le jeune homme alors qu’il fit taper sa tête contre le mur derrière lui. Spasme incontrôlé ? Non, totalement volontaire, comme pour se punir d’avoir été aussi débile.

isaac ∞ tom

Alors que la voix d’Isaac s’était éloignée petit à petit, menaçant Tom de se retrouver seul dans l’obscurité la plus totale, il choisit finalement de rester. Le garçon ne put retenir un soupir de soulagement, y voyant-là comme une dernière chance de se faire pardonner, de le convaincre qu’ils étaient faits pour être ensemble. Une chance de repartir à zéro, de s’aimer à nouveau, de guérir ensemble. « T’as jamais été trop vieux pour moi Isaac. C’est juste moi qui ai été trop con. Qui te mérite pas… Mais tu me manques. Tout chez toi me manque. Je pensais que c’était mieux pour tout le monde qu’on s’arrête là mais t’es pas heureux et moi non plus. » Il n’y avait ensemble qu’ils étaient bien. Alors oui, ça prendrait du temps. Isaac garderait de la rancœur pendant quelques jours, semaines, mois. Il lui ferait peut-être payer en le quittant en retour ? Tom était prêt à prendre le risque – et de toute façon il n’imaginait pas le garçon lui faire ça. « J’ai envie de me marier avec toi. D’avoir une famille. Je veux tout faire avec toi… » Il ne savait pas tellement si ce serait possible avec sa maladie. Mais rester loin de lui, c’était mourir à petit feu alors encore une fois il fallait prendre le risque. « Et à vrai dire… y’a une chose que j’ai très envie de faire depuis la dernière fois. » Il se redressa doucement pour se mettre face à Isaac. Là, il chercha son visage de sa main, la posa sur sa joue pour venir l’embrasser avec tendresse. Bon sang, ça faisait du bien ! C’était bien la meilleure thérapie du monde. Si seulement il n’avait pas paniqué à cause de l’apparition des symptômes, il n’aurait pas perdu autant de temps…

isaac ∞ tom

Il l’avait repoussé. Le geste, les mots, tout avait été brutal. Tout, ou presque. Juste avant de mettre fin à ce baiser, Isaac y avait répondu. Il avait mis toute son âme dedans aussi Tom se jura de ne pas prendre ses mots trop à cœur. Le pauvre garçon devait cracher son venin, se venger, lui faire mal – et il y arrivait. Alors c’était totalement légitime, Thomas tenta de placer une espèce de barrière de glace pour ne pas avoir envie de se pendre à l’entente d’un énième je te déteste. Il repensa aux paroles de sa sœur. La haine, c’était bon signe et selon Lisbeth c’était le sentiment le plus proche de l’amour. Ce qu’Isaac confirma quand il l’attira de nouveau à lui pour l’embrasser une seconde fois. Tiraillé, troublé, aux anges. Tout ça à la fois. Il entoura le cou d’Isaac de ses bras pour se serrer contre lui et l’enlacer une fois que leurs lèvres se quittèrent. Ce n’était pas tant son genre de pleurer à Tom. Du moins, pas devant les autres. Il faisait le fier, celui qui était heureux et sans faille mais en réalité, il avait juste envie d’un câlin et qu’on lui dise ça va aller, t’es pas tout seul. Mais cette fois ce fut trop d’un coup. Il avait besoin d’évacuer, il était à la fois heureux de retrouver Isaac, inquiet de le perdre à nouveau, effrayé à l’idée de se faire trop d’espoir. Une larme. Puis deux. Oui, il faisait noir, il ne pouvait pas voir son visage… Mais les sanglots s’entendaient et très vite sa chemise serait aussi mouillée que si elle sortait de la machine à laver. « J’voulais pas… j’voulais pas qu’on en arrive là… J’avais pas imaginé… Crois-moi Isaac j’voulais juste ton bien… Et j’ai fait tout l’inverse… » Et si c’était réellement trop tard ? « Je… je t’aime. Je t’aime depuis l’début… J’ai envie de devenir Thomas Campbell… J’ai envie d’être tout à toi pour toute la vie mais je… j’pouvais pas te faire ça… C’aurait été égoïste de ma part… Tout comme je suis égoïste, aujourd’hui… »

isaac ∞ tom

Lui cacher la vraie raison de la rupture lui tordait un peu plus les entrailles à chaque seconde qui passait. Alors, il avait employé des mots qui forcément, interpelleraient Isaac. Pourquoi avait-il été égoïste, lui avait-il vraiment donné la vraie raison de leur rupture. Ce serait plus facile de répondre à une question posée par Isaac que de tout avouer de sa propre initiative. Du moins, c’est comme ça qu’il le voyait mais au final, ce serait difficile dans les deux cas. Il baissa les yeux à sa question, venant finalement poser sa tête contre le torse de l’auteur. Il fallait qu’il le dise. Pour repartir sur des bases saines, pour espérer reconstruire quelque chose avec lui. Peut-être que l’annonce de sa maladie raisonnerait Isaac, peut-être qu’il ressentirait moins de haine à son égard en apprenant ça. Du moment qu’il ne se mettait pas à ressentir de la pitié… C’était ce que craignait le plus Tom parce qu’il avait toujours eu horreur de ça. Il attendit que ses pleurs se soient calmés pour reprendre la parole. Tom essuya doucement ses joues avant de relever la tête, regrettant très franchement qu’ils ne puissent se regarder dans les yeux. Il n’aurait pas cru lui avouer comme ça, dans des conditions aussi… bizarres. En fait il n’aurait pas cru lui avouer tout court, ce n’était pas son plan de base. Mais au diable les plans, hein ? Parfois, il fallait savoir remettre ses choix en question pour réaliser qu’on avait fait le mauvais. Et clairement cette rupture faisait partie des mauvais choix.
« J’ai pas menti… A propos de mon homosexualité. J’veux dire… c’est la deuxième raison qui m’a poussé à faire ça, j’avais peur qu’tu te lasses… J’avais peur de sauter le pas… » Désormais, l’idée de s’afficher ne l’effrayait plus. Il préférait être vu en compagnie d’Isaac que seul, pour le restant de ses jours. S’afficher avec lui, ce serait peut-être la première chose qu’il ferait, dans cette nouvelle vie. Si Isaac le lui permettait en tout cas…

Il était prêt à lui dire. C’était le moment. Sans s’en rendre compte, sa main s’était glissée dans celle d’Isaac et il l’avait serrée fortement, pour trouver le courage. Mais son attention fut vite détournée par le bruit du vent qui, en plus de taper plus fort contre les murs, eut raison des fenêtres. Bruit assourdissant, fracas de verre, un sursaut pour Tom. Et le vent qui désormais s’engouffrait jusque dans la pièce. « Tu crois qu’on est en sécurité ici… ? » Il n’avait pas lâché sa main. N’allez pas croire qu’il cherchait à gagner du temps, ou un truc du genre ! Mais il y avait peut-être plus important pour le moment que des révélations qui pouvaient attendre une heure ou deux.

isaac ∞ tom

Tom ne se sentait pas plus à l’abri, assis là. Mais il faisait confiance à Isaac, et puis ils étaient en plein milieu d’une conversation importante – peut-être la plus importante de leur couple – et il se voyait mal tout arrêter parce qu’il avait peur de la tempête. Au fond, son inquiétude n’était que du répit supplémentaire. Un moyen que son corps, que sa tête avait trouvé pour repousser un peu plus encore les aveux. Difficile de retarder davantage la confession quand l’homme de sa vie se mettait à pleurer. Tom se devait de lui dire, de lui retirer ce poids des épaules – mais il savait que l’annonce de sa maladie lui en mettrait un autre à la place. Il n’avait pas vu pleurer Isaac depuis un moment. C’était un grand gaillard. Le plus fort des deux en apparence. Il avait l’air tellement malheureux… Si bien que ses sanglots furent communicatifs, Tom laissa couler encore quelques larmes lui aussi. « Faut pas que tu pleures Isaac… » Bon sang, s’il pleurait déjà maintenant, qu’en serait-il quand il apprendrait que son homme, son couple, étaient condamnés ? Ils allaient reprendre du début oui mais la finalité serait la même. Peut-être que ce serait dans cinq ans, peut-être dix, peut-être beaucoup plus mais Isaac finirait par revivre cette douloureuse séparation. C’était l’ordre des choses sauf que la prochaine fois, il n’y aurait plus d’espoir de retour en arrière. Aucun moyen pour se réconcilier. « Pleure pas, j’t’en supplie pleure pas… J’arriverais jamais à te le dire sinon… » Il le prit dans ses bras, se calant contre lui et embrassa sa joue. Sa main essuya doucement les quelques larmes qui coulaient tandis que lui, il respirait son parfum avec soulagement. Il avait fait le plus gros, non ? Il avait récupéré son homme, le tout était de ne pas le perdre une seconde fois.

« C’est vraiment pas de ta faute, tout ça. T’as toujours été parfait avec moi et je t’aime tellement fort… Mais j’pouvais pas te faire ça. » Il se détacha de lui et s’assit à côté, le dos contre l’armoire à glace. Pour autant il avait pris le bras d’Isaac pour le passer autour de ses épaules et l’enlacer malgré tout, jouant un peu avec ses doigts. Il faisait comme dans les films, des silences de trois kilomètres juste pour ne pas avoir à se lancer. Mais il allait falloir et cette fois la nature ne semblait pas vouloir le stopper. « Je… je suis malade, Isaac. Pas de rhume, pas de mst, aucune de ces conneries ô combien cools que j’aurais pu choper à la place. » Oui, en comparaison, c’était bien mieux une MST. « J’vais pas te dire le nom du truc, ça sert à rien, tu connaîtras pas. J’l’ai appris pendant qu’on était ensemble, j’ai voulu continuer… Mais quand j’ai aperçu des symptômes j’ai pris peur. A terme… J’vais devenir aussi autonome qu’un nourrisson. J’voulais pas t’infliger ça. » Bordel, il n’avait même pas bégayé ! Et ça faisait du bien d’en parler… Même s’il allait faire souffrir Isaac.

isaac ∞ tom

Thomas se sentait soudainement soulagé. Isaac était au courant de tout et bon sang, ça faisait un bien fou. C’était la première personne proche de lui à qu’il le disait. Ce qui voulait dire qu’il avait affronté toutes les démarches tout seul, avait appris les résultats tout seul, testait les traitements, tout seul… Maintenant, et si l’écrivain le voulait bien, ils seraient deux et cette seule idée suffisait à le rendre heureux. Et triste à la fois. Très vite la culpabilité reviendrait, très vite il s’en voudrait à nouveau de lui infliger tout ça, et probablement que très vite, il remettrait encore leur couple en question. Mais maintenant qu’Isaac était au courant, si Tom voulait à nouveau le quitter pour cette même raison et pour ne pas être un fardeau, ce dernier pourrait l’en empêcher. Le rassurer. Ils seraient forcément plus forts.
Le brun prit sur lui pour ne pas se mettre à pleurer dans ses bras. Il ne voulait pas rendre ces retrouvailles pathétiques, il ne voulait pas qu’elles soient marquées par la tristesse alors que c’était clairement l’amour qui devait dominer. Il se recula juste un peu pour l’embrasser à pleine bouche, il en avait terriblement envie. « Je sais, j’ai eu tort. J’aurais pas dû mais j’avais tellement peur que tu… Que tu restes avec moi par pitié. Que tu souffres de ma maladie, que je devienne un poids… » Il lia ses doigts à ceux d’Isaac. « J’ai vraiment cru que j’avais tourné la page. Je me répétais tous les jours que c’était mieux pour toi, que tu serais plus heureux… Mais quand je t’ai revu, quand j’ai vu à quel point ça n’était pas le cas… J’ai remis toutes ces conneries en question. Jusqu’au moment où il est devenu trop difficile de te mentir. De mentir à tout l’monde. Personne ne sait… Même pas Lisbeth. » Il se mordit la lèvre. Par contre, il y avait une chose qu’elle savait maintenant. « Je suis sincère quand je dis que je veux me montrer avec toi. Que je suis prêt. Je… je lui ai dit pour nous deux. J’lui ai enfin dit… » Il aimerait horriblement les présenter l’un à l’autre. Mais pour ça il fallait déjà que les deux soient en couple et pour le coup, Tom n’osait pas poser la question. « J’ai été bête de croire qu’elle arrêterait de m’aimer parce que je suis gay. Et si elle m’aime toujours, alors je m’en fous des autres. Vous comptez plus que les autres. Tu comptes plus que les autres. Tu m’as tellement manqué… »

isaac ∞ tom

Bien sûr que de lui dire la vérité ne suffirait pas. Ce n’était pas parce qu’Isaac était au courant qu’il accepterait immédiatement de le reprendre. Ils s’embrassaient, se faisaient des câlins mais il ne fallait pas oublier que Tom avait menti pendant longtemps et ça laissait forcément des séquelles. Il faudrait y aller pas à pas, étape par étape, réapprendre à faire confiance autant qu’à donner sa confiance à l’autre. Mais Tom avait bon espoir de réussir à arranger les choses, il voulait faire des efforts, tout faire pour qu’Isaac veuille bien de lui à nouveau. « Oui j’ai été bête. Tout comme j’ai été bête de croire que ma sœur me tournerait le dos parce que je suis gay. Tu vois, toute ma vie j’ai été débile et j’ai fait les mauvais choix. » Il soupira. Difficile de l’admettre, enfin il n’était jamais trop tard pour s’en rendre compte. « Sauf maintenant. Je crois que pour la première fois, j’ai fait ce qu’il fallait. » Lui dire. Lui demander pardon. Essayer d’arranger la situation entre lui et l’homme de sa vie. A sa demande Tom ne put que hocher la tête. Il tira un peu sur son bras pour l’attirer à nouveau à lui. Il comprenait son besoin de distance mais ce n’était pas le bon moment pour ça. Il n’avait pas spécialement peur du noir mais la situation l’angoissait légèrement et surtout il voulait vraiment profiter de ces retrouvailles et de ses bras pour l’heure. Ca ne le dérangeait pas de reprendre de zéro. Attendre trois rencards avant de s’embrasser, ce genre de choses. Mais il voulait reprendre à zéro une fois qu’ils seraient sortis d’ici. Alors il se cala à nouveau contre l’écrivain et soupira de soulagement. « Je suis d’accord pour qu’on se fasse un rendez-vous. Ou même plein de rendez-vous. J’ferais tout ce qu’il faut pour reconquérir mon écrivain préféré… » Et tant pis si ça devait prendre plusieurs semaines, mois, années. Il ferait tout. « On pourrait aller au restaurant… Prendre la plus belle table. » Et non pas la table la plus éloignée de tout le monde pour ne pas qu’on les voit se tenir la main. « T’en dis quoi ? »